top of page

Noël, c’est pas de la tarte !

Ho ! Ho ! Ho !

Cet été, j’ai traduit les textes d’une exposition consacrée à Saint Nicolas et au père Noël, un travail passionnant qui a été l’occasion de me rappeler combien Noël est une fête importante dans les pays germaniques : qu’on songe donc aux marchés de Noël allemands avec leur vin chaud et leurs « biscuits de Noël » à tomber par terre, aux calendriers de l’Avent richement garnis et aux « couronnes de l’Avent » composées de quatre bougies — une par dimanche — qu’on allume tour à tour en attendant le grand jour.


Or, qui dit richesse des traditions dit aussi richesse du vocabulaire, et c’est là que les ennuis traductionnels ont commencé...



Un « porteur de cadeaux », kézako ?

Parmi les mots qui m’ont causé le plus de difficultés, citons d’abord Gabenbringer, littéralement « le porteur de cadeaux » : ce mot, qui n’a pas d’équivalent en français, illustre bien la flexibilité de la langue allemande qui recourt souvent aux mots composés (= on colle plusieurs mots ensemble) pour exprimer des réalités complexes de façon extrêmement simple. Comme le disait un de mes professeurs de fac, pas étonnant que la philosophie allemande soit si riche, car la langue de Goethe est très pratique pour créer de nouveaux concepts !


Sans grande surprise, un site comme Deepl nous proposera une traduction littérale. Une traduction grammaticalement correcte, certes, une traduction impressionnante de fluidité au premier coup d’œil, certes, mais une traduction qui ne veut pas dire grand-chose quand on y regarde de plus près.

Exemple de traduction sur Deepl


En réalité, une traduction littérale est rarement une bonne traduction, et ceci est particulièrement vrai pour les mots composés, très fréquents dans la langue allemande.


Ma traduction : Saint Nicolas se remet à distribuer les cadeaux au XIXe siècle.


Autre exemple : Bescherung, un très joli mot qui désigne le moment où l’on distribue les cadeaux et qu’on pourrait donc traduire par « distribution des cadeaux ». Le hic : cette formulation est beaucoup plus longue, ce qui est problématique quand on est limité par le nombre de caractères comme dans le cas d’une exposition. Et puis « distribution des cadeaux », est-ce bien naturel ? Ne vaudrait-il pas mieux utiliser un verbe et parler de « distribuer les cadeaux » ? Et d’ailleurs, ça se « distribue » vraiment, les cadeaux de Noël ? Ne préfère-t-on pas « ouvrir » les cadeaux en France ?

comparaison « Bescherung »/« distribution des cadeaux » sur Google : 2,8 millions vs 150 000 résultats


Citons aussi le cas de Weihnachtszeit, littéralement « la période de Noël », une expression qu’on pourrait utiliser mais qui ne désigne pas tout à fait cette période si chargée culturellement dans les pays germaniques. En France, on parle des fêtes ou des fêtes de fin d’année, deux termes qui n’auraient absolument aucun sens traduits en allemand !



Un sapin allemand n'est pas un sapin français !

Parmi les mots qui m'ont rendue marteau, citons enfin Lametta, un mot auquel j’avais déjà été confrontée en cours de français avec une Autrichienne de 11 ans qui m’avait posé une colle en me demandant « comment on dit Lametta en français ».


Parce que qui dit pays raides dingues de l’Avent et de Noël dit aussi pays raides dingues des décorations de Noël qui ont toutes leurs petits noms, petits noms que même les enfants connaissent ! La Lametta est un type de guirlande bien spécifique qui imite des stalactites de glace et qui est née à Nuremberg : pas étonnant, donc, qu’on ne la connaisse pas dans nos contrées. Confronté à ce type de mots, le cerveau des traducteurs entre en ébullition : « Ach Gott, et je fais quoi avec ce mot, moi ? Je sais ! On va dire qu’on s’en fiche de la nuance et qu’on va se contenter de guirlande ! Ah non mais attends, cette partie de l’expo traite précisément de ces guirlandes, alors on ne peut pas juste les appeler guirlandes… Et si j’utilisais cheveux d’ange, même si ce n’est pas tout à fait le même type de guirlande ? Ou alors je garde le mot allemand et j’explique ce dont il s’agit ? Et si… Et si… Et si j’allais me coucher et que j’y réfléchissais demain ? » Comme vous l'aurez compris, exit donc les traductions « rapides », car le cerveau a besoin de pauses et de repos pour être créatif !


La guirlande Lametta est tellement connue qu’elle dispose de sa propre page Wikipedia. Celle-ci est disponible en plusieurs langues (pas en français), mais attention, car quand on tape les différents noms dans Google Images, on réalise qu'ils ne désignent pas du tout les mêmes produits et qu'ils ne sont donc pas vraiment équivalents. Comme quoi, il faut toujours faire attention avec les liens interlangues de Wikipedia !



Joyeux Noël !

J’espère que ce premier article vous a plu et vous a permis de comprendre que toute traduction, même celle qui paraît la plus anodine, a une composante culturelle plus ou moins forte et regorge par conséquent de mots qui n’existent pas ou qu’on n’utilise pas souvent dans l’autre langue : autant de particularités qui rendent le travail de traduction — certes passionnant — très difficile à bien des égards.


Je vous souhaite un joyeux Noël et vous dis à bientôt !

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page